Le Dr Eugène osty (1874-1938) fut médecin et chercheur en parapsychologie. Il réalisa de nombreuses études des phénomènes de perception extrasensorielle et dirigea l’Institut Métapsychique International de Paris, jusqu’à sa mort.

Son livre « Lucidité et intuition – Etude expérimentale », publié en 1913 est une remarquable contribution à la compréhension du phénomène de la précognition, au travers de l’étude d’une vingtaine de précognitifs.

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Trois ans d’étude d’une vingtaine de sujets :

« Pendant trois années, sans me lasser, j’ai procédé, pour des êtres de mon ambiance toute proche et surtout par rapport à moi-même, à une série ininterrompue d’expériences avec une vingtaine de sujets de tous genres, expériences aussi variées que possible : les unes à longs termes, portant sur des espaces d’une ou plusieurs années, les autres à échéances moins éloignées, quelques mois ou quelques semaines, d’autres enfin (et celles-ci avec Mme M… surtout), ayant trait à cette poussière de menus évènements dont est faite notre vie quotidienne.

De sorte que durant trois années, il n’y a eu aucun évènement tant soit peu saillant dans ma vie qui n’ait été matière à observation, qui n’ait apporté son témoignage pour ou contre la possibilité de la prédiction.

En raison de l’expérimentation de tous moments, trois années complètement employées dans ce but me semblent devoir donner quelque valeur à mon opinion sur les présages.

Eh bien, je n’hésite pas à affirmer que tous les faits qui ont peuplé ces trois années de mon existence, voulus par moi, ou indépendants de ma volonté ou même absolument contraires au sens de mon activité, m’avaient toujours été prédits, non pas tous par chacun des sujets lucides, mais tous par l’un ou l’autre d’entre eux.

Car, chaque sujet lucide n’est pas capable de révéler toute la vie future d’une individualité humaine. Chacun en révèle des lambeaux plus ou moins grands et nombreux suivant la valeur de sa lucidité.

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Le cas de Mme M… sujet particulièrement doué :

Osty décrit le processus de mise en état de conscience modifiée de Mme M….

« Le moyen le plus rapide de mettre Mme M… en hypnose est la fascination. On la regarde fixement en lui tenant les poignets et, en moins d’une minute, son regard devient vague, puis ses paupières commencent à s’agiter et leurs battements se précipitent jusqu’au moment où, d’elles-mêmes, elles se ferment.

La respiration profonde et angoissée, tout d’abord, devient bientôt douce et régulière, les traits du visage se détendent et le sujet dort d’un sommeil qui ressemble absolument au sommeil naturel.

Le temps total nécessaire pour obtenir ce sommeil artificiel est environ de deux minutes.

Voici les impressions que la mise en hypnose donne au sujet.

A peine sent-elle les yeux de l’hypnotiseur peser sur les siens, que tous les objets de la chambre où elle se trouve se mettent à tourner autour d’elle, toujours dans le même sens, de gauche à droite. Leur ronde se précipite à mesure que s’accroit la rapidité du battement des paupières, puis tout s’estompe, devient vaporeux et c’est le néant.

Ces sensations sont, en somme, identiques à celles que donne une vulgaire syncope. (pages 13 et 14)

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Les capacités différentes des sujets :

Les capacités des différents sujets sont très variables et Dr Osty précise qu’il n’a jamais rencontré de sujet capable d’exposer l’avenir en son intégralité :

 « Ce sont des fragments de notre évolution future que perçoivent les sujets, ce qui fera étape, ce qui émergera au-dessus de la foule des innombrables phénomènes par lesquels s’écoule une vie. Ce qu’ils peuvent donner de notre vie future se peut comparer à ces iles et ilots qui, émergeant au-dessus de l’océan, révèlent les masses les plus importantes du sol marin… »

« J’ai observé que les faits les plus importants étaient invariablement révélés, avec une troublante concordance, par les sujets lucides d’une certaine valeur et que les faits de moindre relief sont indiqués partie par les uns, partie par les autres, avec de grandes différences dans la précision et l’abondance des détails.

Les sensitifs dont l’intuition porte loin dans l’avenir, ne fournissent généralement que les grandes étapes de l’existence.

En une séance, ils jalonnent l’ensemble d’une vie. Ceux, au contraire, dont la portée de divination est plus réduite, font volontiers la chronique de la vie et, tout en révélant les gros évènements prochains, sont capables de présager un grand nombre de menus faits à échéance rapprochée. » (pages 42 et 44)

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Le problème de la temporalité :

Le Dr Osty évoque un problème récurrent dans l’étude de la temporalité, la difficulté des sujets à situer leurs perceptions dans le temps et la confusion entre temporalité et causalité.

Il évoque une expérimentation particulière réalisée avec un de ses sujets, désignée sous le nom de Mme M.

« Dans les premiers mois de 1911, je priais une dame habitant la province d’envoyer à Mme M…, qu’elle ne connaissait pas, un banal objet m’appartenant et de lui demander, à partir du jour de réception de sa lettre, de bien vouloir envoyer tous les vingt jours environ, une lettre indiquant, pour les vingt jours suivants, la succession des faits les plus saillants devant survenir dans l’existence du possesseur et cela jusqu’à ce qu’il lui soit dit de cesser.

Vint bientôt la première lettre de Mme M… qui énumérait, dans leur succession, les mêmes prémonitions caractéristiques et imprévues qui m’avaient été faites par d’autres sujets et par elle-même, chez elle, deux mois auparavant.

Quand les vingt jours furent écoulés, quelques uns des évènements annoncés s’étaient réalisés, mais la plupart ne l’avaient pas été. La dame reçut une seconde lettre de Mme M… qui annonçait toujours comme imminents ceux des présages qui n’avaient pas été accomplis et ne signalait plus aucun de ceux réalisés.

Vingt autres jours s’écoulèrent encore, pendant lesquels d’autres prédictions s’accomplirent cependant que la plupart n’étaient toujours que des possibilités. Et la troisième lettre de Mme M… arriva qui reporta encore dans l’avenir les faits non produits et ne dit rien de ceux qui l’avaient été…

Et cela se répéta pendant six périodes consécutives de vingt jours. De sorte que dans sa dernière lettre, la plupart des faits signalés dans la première étaient toujours annoncés comme prochains, bien qu’à se reporter aux dates approximatives, tout d’abord avancées, elle eut dû les croire accomplis.

Et il n’était plus question d’aucun de ceux qui, dans tout le cours de cette expérience prolongée, avaient quitté l’avenir pour le passé.

Depuis le premier jour où débuta l’expérience jusqu’au dernier, il n’y eut aucun échange de correspondance entre la dame qui m’avait servi de masque et le sujet. »  (pages 48 et 49)

Relativement à la localisation des événements dans le temps, Dr Osty précise le procédé mental de Mme M… :

‘Il suffit, d’ailleurs, de connaître le procédé mental par lequel Mme M… situe un fait dans le temps, pour comprendre que, s’il lui est facile de le placer dans un des modes du temps, il lui est impossible d’en fixer le moment.

C’est par une image symbolique d’espace que le psychisme de ce sujet prend, automatiquement, connaissance des modes du temps. J’ai déjà dit que ses images mentales sont toujours fortement objectivées, hallucinantes, comme hors d’elle et qu’elles s’expriment par le mouvement et surtout la mimique.

Or, c’est le lieu où lui apparaissent ses visions dans l’espace et par rapport à elle, qui lui donne la notion du mode du temps dans lequel il faut situer les choses qu’elles représentent.

Ainsi, les visions d’avenir se placeront toujours comme devant elle et d’autant plus près qu’elles représenteront des choses de réalisation plus prochaine.

Celles du passé se placeront comme derrière elle et d’autant plus éloignées dans l’espace, qu’elles sont plus lointaines dans le temps.

Les faits présents, c’est-à-dire de passé tout récent prendront place tout auprès d’elle, comme à ses côtés.

Le sujet se compare à quelqu’un marchant sur une route. Devant ses yeux, et à des distances plus ou moins grandes, s’échelonnent les visions des évènements de l’avenir. En se retournant, elle apercevrait la perspective de tous les évènements vécus ; cependant qu’auprès d’elle, à ses côtés, est la zone de l’actualité… » (pages 52 et 53)

« … les visions des évènements s’échelonnent dans l’espace symbolique de l’avenir, suivant une véritable perspective optique, lui paraissant d’autant plus prochains qu’ils lui semblent plus proches d’elle. L’évènement lui semble tout près de se réaliser qu’elle voit comme à la portée de sa main et elle dit alors : « …c’est très prochain…, je le touche…, c’est une question de peu de jours… »

Le Dr Osty note que ces impressions sont symboliques et donc soumises à l’interprétation du sujet, ce qui peut entraîner des erreurs de jours, de mois et même d’années, Mme M… traduisant comme proximité dans le temps ce qui peut n’avoir qu’un lien de causalité.

« La vision d’un fait se représente rarement isolée dans le champ de conscience de Mme M… Que l’expérimentateur le lui demande ou que cela soit spontané, il arrive presque toujours que d’autres visions succèdent à la vision première, pour en indiquer les conséquences. De sorte que le sujet assiste au défilé cinématographique de toute une lignée de phénomènes reliés par la causalité.

Le sujet peut ainsi percevoir comme temporellement liés, des évènements uniquement reliés par la causalité.

« Sachant cela, le lecteur ne s’étonnera plus quand il verra qu’à tous instants, de deux faits, l’un découlant de l’autre, et prédits pour la même époque, l’un se réalise, tandis que l’autre, des mois après, ne le sera pas encore.

En vérité, le premier de ces faits déterminera l’autre, mais à distance éloignée, cependant que, dans l’intervalle, beaucoup d’autres faits différents auront peuplé sa vie. Le sujet, en somme, a parlé de rapports de temps là où il n’aurait dû voir que des rapports de causalité. » (page 56)