Marquis de Puységur

Amand Marie Jacques de Chastenet, marquis de Puységur (1751-1825), général d’artillerie, écrivain et magnétiseur. Il fut l’élève du Dr Franz-Anton Mesmer dans la « Société de l’Harmonie » à partir de 1782.

Il pratiqua le magnétisme et étudia des cas de clairvoyance de malades sur leur propre maladie.

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Un cas de guérison magnétique :

« La fille aînée de madame la P… de Mo… que l’on nommait Honorine, alors enfant de dix à douze mois, était, depuis je ne sais combien d’heures, dans des convulsions violentes ; son intéressante mère et madame de Ch…, sa tante, éplorées près de son berceau, perdaient l’espoir de la conserver.

Les poudres et les remèdes utiles en pareil cas avaient été infructueusement administrés, le mal résistait à l’énergie de tous les médicaments ; c’est du moins ce que me dirent MM. De Ch… et de Mo…, en venant me prier de les suivre, afin d’essayer si le magnétisme, dont ils m’avaient entendu vanter l’efficacité, pourrait produire quelque effet heureux sur leur petite malade à toute extrémité : je me rendis sans peine à leurs instances.

Lorsque j’entrai chez madame de Mo…, je vis en effet le tableau de toutes les douleurs.

La petite Honorine, les yeux ouverts et fixes, était roide et sans mouvement, et tous ses parens, mornes et silencieux autour d’elle, semblaient n’attendre que le moment de recueillir son dernier soupir.

Sans leur adresser la parole, sans leur demander même un nouveau consentement, je pris la petite Honorine dans mes bras avec l’oreiller sur lequel elle était étendue, je m’asseois et la pose ainsi sur mes genoux : alors, sans m’occuper ni songer à rien de ce qui se passait autour de moi, je me concentre entièrement en touchant ce petit enfant dans la seule volonté de produire sur elle l’effet qui lui fût le plus salutaire.

Au bout de quelques minutes je crois m’apercevoir du retour de sa respiration. Je pose ma main sur son cœur, et j’en sens les faibles battemens ; j’annonçais à chaque seconde, sans me distraire, et comme si je ne l’eusse dit qu’à moi-même, chacune des remarques consolantes que je faisais.

Mon profond recueillement imposait un silence que, dans la douloureuse attente où l’on était, personne n’avait tenté de rompre, quand tout à coup le bruite rassurant d’une abondante évacuation se fait entendre ; j’exprime la joie que j’en ressens, et sans découvrir  encore ni regarder la petite, je n’en continue qu’avec plus d’énergie l’exercice de mon action magnétique ; bientôt une détente générale des muscles et la cessation de l’état convulsif de l’enfant en furent l’heureux résultat.

En moins d’une demi-heure enfin, j’eus la douce satisfaction de remettre entre les bras de sa mère enchantée sa chère petite, entièrement sauvée du danger dont elle avait été menacée. » (1)

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Livre du marquis de Puységur

Diagnostic et guérison en état somnambulique :

« Une femme d’environ quarante cinq ans était couverte de pustules et de plaies qui s’amortissaient et se renouvelaient sans cesse. Il y avait près de six mois que cette femme était dans ce pitoyable état lorsqu’elle vint me trouver.

Quoiqu’elle ne pût dormir ni se reposer, elle était néanmoins sans fièvre et n’avait même jamais perdu l’appétit.

Une fois devenue somnambule magnétique, cette femme me dit qu’il fallait faire bouillir dans une chopine de bon vin rouge, vingt-cinq à trente grains de morelle jusqu’à réduction d’un grand verre, et lui faire boire cette potion pendant huit jours de suite.

Ne connaissant pas les propriétés de la morelle, M. de Poncaré, alors médecin à Soissons, à qui je les demandai sans l’informer pour quel sujet, me dit que c’était un purgatif très violent, et qu’il serait même dangereux d’administrer en trop grande dose.

D’autres personnes, et tous les habitans de la campagne sur-tout, me dirent tout net que c’était du poison.

Répugnant donc extrêmement à exécuter les ordres de cette somnambule, je lui dis ce que j’avais appris des effets souvent funestes de la morelle.

« Il ne faut pas non plus, me répondit-elle, m’en parler dans un autre état que celui-ci, car je crois aussi que c’est du poison, et je n’en voudrais pas prendre : mais comme me voilà, je boirais ce vin sans répugnance ; ne craignez rien : allez, Monsieur, cela ferait du mal à d’autres, peut-être, mais à moi cela ne fera que du bien ; c’est le seul remède qui me convienne, vous verrez de jour en jour mes rougeurs s’éteindre, mes plaies se sécher, et dans dix jours je serai guérie. »

Après m’être fait enfin plusieurs fois bien tranquilliser par elle sur toutes les suites de ce remède, je le fis faire et lui fis prendre tous les jours dans l’état magnétique, ainsi qu’elle se l’était ordonné.

Tout se passa à merveille, et le dixième jour elle s’en alla bien portante. »

« Il y a, au moment où j’écris ceci, vingt-trois à vingt-quatre ans que cette cure s’est opérée, et depuis lors je n’avais aucune nouvelle de cette femme, lorsque, l’été dernier, étant allé voir travailler des bûcherons, un d’entre eux, habitant le village de Muret, à deux lieues de Buzancy, me dit qu’il était son fils, que sa mère lui avait souvent parlé de la manière dont elle avait été guérie, et que jusqu’à sa mort, arrivée il y a trois ans seulement, elle n’avait éprouvé aucun ressentiment de ses anciens maux. » (2)

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Somnambulisme et clairvoyance :

Le marquis de Puységur évoque à de nombreuses reprises des cas de somnambules capables de percevoir l’état du corps d’autres personnes, de décrire des maladies et de conseiller des remèdes.

Il évoque une femme nommée Françoise Deschamps, clairvoyante tant pour elle-même que pour les autres :

« Les ayant donc fait asseoir à côté l’une de l’autre, je fis à la somnambule cette question :

D. Puisque vous soyez si bien l’intérieur de votre corps, Françoise, ne pourriez-vous pas de même voir l’intérieur du corps d’une autre personne ?

R. Je n’en sais rien.

D. Voyez, Françoise, vous avez à côté de vous une dame à laquelle je m’intéresse beaucoup ; vous me ferez un grand plaisir, si vous le pouvez, de lui être utile.

Cette jeune femme tourne alors très doucement la tête du côté de madame Lefèvre, et, sans la toucher, lui dit à l’instant :

D. Votre mal, à vous, Madame, est dans les parties, cela va s’évader (sans aller) par les urines. Madame Lefèvre aussitôt s’empressa de demander :

D. Que faut-il que je fasse pour me guérir ?

R. Ce que vous faites…le magnétisme.

D. Est-ce qu’il n’y aurait pas quelques remèdes à faire ?

R. Non, vous n’avez rien à prendre.

D. Je souffre pourtant bien, regardez donc.

R. Je le vois, mais vous n’avez pas besoin de drogues… des bains seulement ; prenez-en trois ou quatre, cela aidera à couler.

D. Et croyez-vous que je guérisse ? Je souffre tant que je n’espère plus.

R. Vous guérirez…

En finissant ces mots, ses yeux s’étaient ouverts, l’effet magnétique avait cessé, et cette jeune femme, rentrée dans son état naturel, n’avait plus ni l’idée ni le moindre souvenir de ce qu’elle venait de voir et de prononcer. » (3)

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(1) A.M.J Chastenet de Puységur  « Recherches expériences et observations physiologiques sur l’homme dans l’état de somnambulisme naturel et dans le somnambulisme provoqué par l’acte magnétique »  J.G. Dentu, imprimeur-libraire –  Paris  1811   (pages 70-72)

(2) pages 60-62

(3) pages 212-213