Pour compléter l’article sur Alexis Didier en démontrant ses capacités de clairvoyance, nous citons un témoignage du révérend Chauncy Hale Townshend (1798-1868), rapporté par Bertrand Meheust.

Bertrand Meheust

Chauncy Hale Townshend était un aristocrate et prêtre anglican qui se consacrait à la poésie, la peinture et aux expériences parapsychologiques.

Chauncy Hare Townshend

Un soir d’octobre 1851, de passage à Paris, il en profite pour rencontrer Alexis Didier à l’improviste, afin d’observer par lui-même les dons de clairvoyance dont il avait entendu parler.

Alexis Didier

Alexis se plie de bonne grâce à la requête du visiteur étranger, dont il ignore l’identité. La conversation se passe en français et Marcillet, le magnétiseur habituel, se retire afin de ne pas donner prise au soupçon de compérage, laissant les deux hommes seuls. Alors Townshend envoie Alexis  » visiter », par la pensée, sa maison près de Lausanne. Il écrit :

« Dès que Marcillet a été parti, j’ai commencé à tester la clairvoyance d’Alexis, pour ce qui concerne la vision des endroits éloignés.

Je lui ai demandé s’il voulait visiter ma maison par la pensée. Il m’a dit aussitôt :  » Laquelle ? Car vous en avez deux ! Vous avez une maison à Londres, et une autre dans la campagne. Par laquelle voulez-vous que je commence ? »

Je lui ai répondu : « par la maison de campagne ». Après une pause, Alexis a dit :  » J’y suis !  » . Alors, à ma surprise, il a ouvert grand ses deux yeux, et a porté autour de lui un regard fixe ( stared about him).

J’ai vu qu’il avait le regard fixe d’un somnambule.  » Autant que j’aie pu m’en rendre compte, il n’a jamais une seule fois changé la position fixe de ses paupières pendant tout le temps où il s’essayait à la clairvoyance à distance.

Ses pupilles semblaient dilatées, ternes, et ne manifestaient aucun mouvement d’activité consciente. « Bien, ai-je demandé, que voyez-vous ? »  » Je vois, dit-il, une maison d’importance moyenne. Il s’agit d’une maison, pas d’un château. Il y a un jardin autour. Sur le côté gauche il y a une maison plus petite, sur la propriété. »

Tout ceci a été dit au milieu d’inspirations, avec quelque effort, et un halètement entrecoupait chaque phrase. J’avoue avoir été surpris de la précision de la description de la maison que j’ai près de Lausanne, particulièrement de la mention de » la petite maison sur le côté gauche », où, selon la coutume suisse, habite ma propriétaire. C’est, en fait, un trait distinctif des lieux, impossible à deviner pour quelqu’un qui ne les a jamais vus.

L’exactitude de la description a renforcé ma conviction. « Maintenant, ai-je dit à Alexis, quel paysage voyez-vous ? »- De l’eau, de l’eau, répondit-il avec précipitation, comme s’il voyait le lac qui, en effet, s’étale sous mes fenêtres. Puis :  » Il y a des arbres en face tout près de la maison ».

Tout cela était exact.  » Bon, lui dis-je, nous allons pénétrer dans le salon. Qu’y voyez-vous ? » Il a regardé autour de lui ; et il a dit (quand je ne me souviens plus des mots exacts, je les donne en anglais) :  » Vous avez de nombreux tableaux sur les murs. Mais c’est curieux, ils sont tous modernes, sauf deux. »

– « Pouvez-vous me dire les thèmes de ces deux tableaux ? »

– « Oui. L’un représente la mer, l’autre est un sujet religieux. « Devant cette précision extrême, j’ai ressenti une sorte de frisson. J’ai été encore plus étonné quand Alexis a entrepris de me décrire avec minutie le sujet religieux en question, lequel se trouve être un tableau que j’avais peu de temps auparavant acheté à un réfugié italien, et qui possède des particularités nombreuses et frappantes.

Il a dit aussitôt :  » Il a y a trois personnes sur le tableau – un vieillard, une femme, et un enfant. Est-ce que la femme serait la Vierge Marie ? ( Il s’est interrogé à haute voix, comme s’il réfléchissait ). Non ! Elle est trop vieille. Il a continué de la sorte, en répondant à ses propres questions, pendant que je restais parfaitement silencieux. La femme a un livre sur ses genoux, et l’enfant montre avec ses doigts quelque chose qui se trouve dans le livre ! Il y a une quenouille dans l’angle. Effectivement, le tableau représente sainte Anne en train de d’apprendre à lire à la vierge Marie, et tous les détails de la scène étaient corrects.

J’ai demandé :

–  » sur quoi le tableau est-il peint ? » Alexis a répondu :

– » ce n’est ni sur de la toile, ni sur du cuivre. C’est sur une curieuse substance ». Après un moment de réflexion, il a commencé à frapper la table avec les jointures de ses doigts, comme s’il essayait de vérifier la nature de la substance en question. Alors il s’est exclamé :  » c’est sur de la pierre. » (Effectivement le tableau a été peint sur du marbre noir.)  » Maintenant, a -t-il continué, je regarde ce qu’il y a derrière. C’est d’une curieuse couleur, entre le noirâtre et le gris. (Derrière le tableau la pierre a exactement cette couleur.). C’est rugueux. Tiens, a-t-il ajouté, c’est bombé. »

Cette dernière particularité aurait convaincu le plus incrédule. Le tableau avait été difficile à encadrer, à cause de la forme bombée de la plaque de marbre sur laquelle il est peint.

Ensuite, Alexis a donné de nombreux détails précis concernant ma maison de Norfolk Street. Il a donné une description exacte des deux servantes, l’une jeune, et l’autre âgée. Il a dit que dans mes deux résidences, il n’habitait personne, si ce n’est des gens de maison. (In neither of my abodes there were any but servants), ce qui est exact.

Il a semblé prendre plaisir à décrire avec minutie la jeune servante, qu’il trouvait jolie. Il n’a fait aucune erreur pour ce qui concerne la couleur de ses yeux, de ses cheveux, etc. Il m’a dit que, derrière ma maison, se trouve un parc –  » un parc qui ne vous appartient pas », a-t-il ajouté avec un sourire.

Quand je lui ai demandé s’il voyait quelque chose de remarquable dans le style du mobilier, il m’a répondu :  » Remarquable si vous voulez. Mais on le voit assez souvent. C’est du style Louis XIV ».

Puis il a décrit la bibliothèque qui jouxte le salon. Il m’a dit que les fenêtres du salon étaient des fenêtres en saillie, et il a décrit avec précision le cadre d’un miroir sculpté par Grinling Gibbons, qui se trouve sur la cheminée.  » La glace, a-t-il déclaré, est petite en comparaison de la bordure. Il y a des fleurs, des fruits, toutes sortes de choses sculptées. « Puis, soudain, il a ajouté :  » Je vois un portrait qui se reflète dans le miroir. (ce qui est tout -à-fait exact). Je lui ai demandé de le décrire. Il n’a pas commencé par donner le thème du tableau, mais il a semblé frappé, tout d’abord, par le portrait de la femme qui y figure.  » Elle a un corsage rouge, elle porte une draperie noire, ou plutôt brun foncé. »

Il a continué à décrire les deux enfants, puis, soudain, il a déclaré :  » C’est aussi un sujet religieux, une sainte famille ». Je lui ai demandé le nom du peintre. Il a d’abord semblé perplexe. Puis il a dit :  » il est mort depuis longtemps. « 

Finalement, il a murmuré, d’une voix caverneuse : Raphaël, et s’est affaissé dans son fauteuil, comme s’il était épuisé par quelque effort. Le fait est que le nom de Raphaël est écrit en lettres d’or sur l’ourlet du vêtement de la Vierge.

Puis Alexis a décrit le tableau, de chaque côté de la Sainte famille. (There is only one on each side ) », a-t-il dit.

Sur la droite il y a un thème marin une tempête. Sur le tableau, de gauche, il a été plus long. Il a commencé par le décrire purement et simplement comme  » un intérieur ». Mais, pressé par mes questions, il a donné la description la plus exacte possible d’une oeuvre de Morland, que, effectivement j’ai accrochée à cet endroit.

L’intérieur de l’écurie – l’homme avec une brouette, et le cheval gris couché sur le sol – ont été décrits avec précision. Alexis a semblé prendre le cheval en pitié, et a ajouté une étonnante touche finale à sa description en déclarant :  » Pauvre bête ! Il a des blessures sur les flancs ! »

Un chercheur anglais, M. Guy Lyon-Playflair, après avoir lu mon livre, s’est rendu au musée à qui Townshend a légué sa collection, et il a ainsi pu retrouver deux tableaux qui ont servi de cibles à Alexis.

Sur le premier on voit, sans doute possible, la Vierge à l’enfant, avec le nom Raphaël écrit en petites lettres sur l’ourlet du vêtement de la Vierge. Sur le second, on voit l’homme à la brouette, et le vieux cheval couché dans la grange, avec des plaies au flanc.

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Cité par Bertrand Meheust « Un voyant prodigieux, Alexis Didier » (1826-1886), Editions Les Empêcheurs de penser en rond, 2003.