Alexis Didier (1826-1886) fut un célèbre expérienceur de capacités psi, on a dit le jour de ses obsèques, qu’il avait été « le plus grand clairvoyant des temps modernes ».

Alexis Didier

Alexis lisait dans les consciences comme on lit dans un livre. Il se portait à distance, sur une cible qu’on lui indiquait, pour en ramener des informations précises. Grâce à un objet ayant appartenu à une personne, il racontait la biographie de cette personne. Il pratiquait le diagnostic médical à partir de quelques cheveux.

Le scepticisme était grand cependant, si bien qu’on le confronta deux fois avec le célèbre prestidigitateur Robert-Houdin, qui attesta par écrit que les phénomènes produits par Alexis ne relevaient pas de la prestidigitation.

Robert Houdin

Dans son livre « Le sommeil magnétique », Alexis Didier explique, avec les terminologies de son époque :

  • les conditions dans lesquelles il entre en état de conscience amplifié, qu’il appelle « sommeil magnétique »
  • les rapports avec le magnétiseur
  • les interactions avec les personnes présentes

Entrer en état de conscience amplifié :

« … le fluide magnétique produira une espèce de sommeil factice…qui lui permettra de se dégager des organes assoupis du corpspour manifester les facultés résultant de sa nature spirituelle. »

Lorsque je me sens envahi par le fluide, magnétique, il se passe en moi je ne sais quoi d’indéfinissable qui me ravit me transporte tend et convulsionne mes nerfs, tord mes membres, bouleverse tout mon être intérieur, s’empare de moi, me possède et m’arrache douloureusement aux réalités de la vie terrestre qui m’environnent, pour ouvrir devant l’œil intérieur de mon esprit, des horizons sans fin à cette sensation première, toujours pénible, succède un sentiment de bien-être les obstacles matériels devenant plus transparents que le cristal, n’arrêtent plus ma vue.

L’Univers entier est devant moi, et je puis me transporter d’un pôle à l’autre avec la rapidité de l’éclair je puis converser avec les Cafres, me promener en Chine, descendre dans les mines de l’Australie, entrer dans le harem du sultan en moins d’une heure, sans fatigue; car l’âme, fille de Dieu, n’a qu’à vouloir pour, semblable à son père, être partout cette puissance qui triomphe de l’espace et permet à l’âme de se transporter d’un lieu à un autre, n’est rien en comparaison de celle qui la rend victorieuse du temps et qui fait que tous les siècles sont présents à ma vue.

Les générations évanouies, qui, plus nombreuses que les grains de sable de la mer, ont vécu sur la terre, apparaissent à ma volonté ou à l’évocation du consultant, dans leur parfaite individualité, ayant les costumes, les traits, les mœurs, les habitudes, le caractère qui les particularisait durant leur séjour ici-bas. Le passé pour moi n’est pas mort, il est vivant.

Il y a une pieuse croyance qui fait que l’on conserve religieusement, enchâssées dans l’or et les pierres précieuses, les reliques des saints, et qui fait croire qu’il reste quelque chose de leur âme, de leur esprit, de leur cœur, en un mot, de leur personnalité, dans ces fragments de leur corps mort. Pour moi, je les vois réexistant tout entiers en corps, en âme, en esprit, en sainteté, sous la moindre parcelle d’un objet qu’ils ont touché durant leur vie, et je jouis de leur présence réelle, comme s’ils étaient encore sur cette terre. (…)

La lucidité prend sa source :

1° Dans certaine maladie qui arrache au corps sa suprématie sur l’âme

2° Dans une émotion violente, qui paralyse l’action des organes et laisse l’âme se soustraire à leur empire

3° Dans l’inspiration qui s’empare de l’âme, la possède, l’arrache violemment à l’empire des sens ;

Dans la mortification résultant de la misère, de la maladie, de l’absence des besoins matériels ou du crucifiement volontaire pratiqué par l’ascétisme, le mysticisme, l’illuminisme et le cénobitisme.

Tout le monde n’arrive pas à cet état ; il faut, pour ainsi dire, avoir une prédisposition native pour moi, je suis si prédestiné à cet état, qu’une femme, un enfant, suffisent pour me plonger dans cet état de lucidité où le temps et l’espace n’existent plus pour moi ; de plus, il m’est arrivé souvent, sans être endormi et sans aucune action magnétique, de donner des preuves de hautes et profondes voyances magnétiques .

(pages 14 à 18)

Les rapports avec le magnétiseur :

Je tiens à être net, clair et positif sur cette question, car c’est la base même du somnambulisme et je tiens de plus à ce que le public soit instruit de certaine particularité que ceux qui avaient intérêt à lui tenir cachée lui ont prudemment dissimulée.

La première, c’est que la science magnétique ne joue aucun rôle dans la production de la luciditéDans les phénomènes de la lucidité somnambulique le rôle du magnétiseur devient secondaire, il peut cependant être d’une utilité très grande en étudiant les facultés pour l’exercice desquelles le somnambule semble prédestiné et en les lui faisant exercer de préférence aux autres.

Tout sujet magnétisé est redevable en partie à son magnétiseur des succès qu’il a obtenus ; car si le magnétiseur ne peut pas donner la lucidité à un sujet qui ne l’a pas innée en lui, il peut la diriger avec sagacité, et surtout la mettre en lumière, en la protégeant contre tous les obstacles qui peuvent nuire à sa production, ou en la mettant dans les conditions les plus propices à sa réussite.,

(pages 81 à 83)

Les interactions avec les personnes présentes

L’état d’esprit des consultants eux-mêmes ou des personnes présentes, peut perturber le médium et le rendre inefficace. Alexis Didier écrit :

« Maintenant que j’ai fait, pour ainsi dire, la part du somnambule dans la non-réussite des expériences magnétiques, je pense être en droit de proclamer que ces erreurs proviennent souvent des consultants et des objets sur lesquels ils consultent les somnambules le moyen, en effet, de débrouiller, dans une lettre touchée par plus de vingt personnes, celle qui l’a écrite et dont on demande des nouvelles.

Les consultants apportent souvent une ironie goguenarde qui taquine mes nerfs, au point que tout danse, sautille à mes yeux, et qu’il m’est impossible de rien saisir distinctement.

D’autres ont la meilleure volonté du monde, une confiance enthousiaste, mais leur désir est si ardent, qu’ils font passer avec une rapidité foudroyante devant ma vue, des apparitions à moitié ébauchées ; souvent, le désir que ma solution soit conforme à leur pensée, est si pressant, qu’ils m’influencent et m’émotionnent, en sorte que je ne fais que des transmissions de sensation et de pensée enfin le somnambule qui, comme je l’ai reconnu, est souvent mal disposé lorsqu’il est en rapport avec une nature peu sympathique, ou dans une atmosphère où il y a des incrédules qui ont intérêt à ne pas être convaincus, ne pourra produire aucun fait de lucidité.

Le somnambule en qui son magnétiseur développe fluidiquement la lucidité lorsqu’il est en dispute avec lui, se sent irriter et exaspérer par son fluide, et plus son magnétiseur l’actionne violemment, plus les ombres obscurcissent sa vision. Très souvent j’ai remarqué que l’arrivée d’un spectateur bienveillant réconfortait mon âme d’une vie toute puissante et lui faisait franchir les obstacles devant lesquels elle restait arrêtée.

Très souvent le succès de mes séances était dû à la présence d’une femme ou d’un homme dont le fluide, comme une douce lumière, descendait en moi et m’éclairait d’une clarté miraculeuse qui donnait à ma lucidité une extension surhumaine.

(pages 28 à 30)